Histoire condensée du fief et de la commune d’Arfeuilles

Histoire condensée du fief et de la commune d’Arfeuilles

Il s’agit d’un dossier que j’ai retrouvé sur internet qui retrace l’histoire de la commune d’Arfeuilles. Je trouvais dommage qu’il se perde, alors je l’ai retranscrit ici.

Il est impératif, quand on veut écrire l’Histoire d’Arfeuilles de bien se fixer les limites de la
tâche. Veut-on faire l’Histoire de la commune actuelle? Ou bien celle du fief d’Arfeuilles ? En effet la commune actuelle a été réalisée à la Révolution en regroupant au moins sept fiefs féodaux de très inégale importance, tant du point de vue de la superficie que de celui de la population. Le fief d’Arfeuilles était l’un des plus petits en superficie, mais il était probablement le plus peuplé et il possédait l’église paroissiale sur son sol.

Le fief d’Arfeuilles

La difficulté majeure est la faiblesse des documents. Nous sommes en pays celtique. Les Celtes n’utilisaient pas l’écriture. L’histoire se transmettait oralement, avec les exagérations, les erreurs, mêlant le merveilleux de la légende avec la réalité. Les écrits sont très rares et ne sont apparus qu’après le XIIème siècle. On manque surtout cruellement d’iconographie. Il est regrettable de ne posséder aucune représentation de l’ancienne église qui ne fut pourtant démolie qu’en 1868. Aucune gravure, aucun dessin se rapportant à ce fief d’Arfeuilles avant l’avènement de la carte postale.

La mémoire est fugitive. Il est très difficile de se remémorer, après des démolitions et des transformations, ce que l’on a pourtant connu avant ces démolitions. Les populations de ces régions ne vivent pas de leur histoire. Il y a eu au cours des siècles une sorte de rage à gommer. Les erreurs ont aussi la vie dure, et se transmettent d’auteur en auteur, sans que l’on cherche à les éliminer. On n’a pas toujours le temps de vérifier les sources.

Un problème se pose quant à l’origine et à la signification du nom : ARFEUILLES.
Ce nom, pour désigner un lieu, est assez répandu. Il existe une dizaine de hameaux en France avec l’orthographe…“ feuille “; quelques autres écrivent le nom avec…“pheuilles.” M. DAUZAT, dans son dictionnaire des noms de lieux, pense (avec d’autres auteurs de dictionnaires similaires) que ce “feuilles“ serait un hybride Gallo-Latin de “fodiculare“, fouiller. Quant à la signification du préfixe “Ar“, elle laisse perplexe la plupart des linguistes. Une interprétation récente a été donnée en 1988 par M. FROMAGE, professeur de lettres anciennes et président de la Société Française de Mythologie, lors du congrès mondial sur les souterrains, qui s’était tenu à Arfeuilles cette année là.

Pour lui, le “Ar “ proviendrait d’une déformation de prononciation du “Al “ de “alto“ qui signifie aussi bien profond qu’élevé. Cette interprétation est imaginée par M. DAUZAT et d’autres auteurs à propos de noms de lieux autres qu’Arfeuilles. Si cette interprétation est valable en ce qui nous concerne, “Arfeuilles“ signifierait “fouilles profondes“ ou encore “ le pays des fouilles profondes“.
Or M. DAUZAT signale la présence de souterrains à proximité de la plupart des Arfeuilles ou Hautefeuilles. On a une explication qui tient debout, quant on sait qu’ici les souterrains annulaires atteignent une densité que, jusqu’à présent, on n’a jamais rencontrée ailleurs.

Autour de l’an 1

De l’antiquité, il ne reste que des hypothèses, des indices, des probabilités, mais aucune certitude. Il y eut dans notre montagne une occupation celte quelques siècles avant J.C.

Vinrent ensuite, des Gaulois, qui étaient aussi des Celtes. Ils occupaient les sommets des montagnes, là où l’érosion laissait des pierres proéminentes, des pierres levées, des menhirs naturels en quelque sorte. S’il n’y avait pas de pierre, on pouvait en amener et les lever. Là, les celtes célébraient leur culte autour de ces pierres ; peut-être les adoraient-ils. La tradition dit qu’il y en avait une sur le sommet qui domine le bourg à la Madone de Petrassin (ou de St Pierre). Il y en avait peut-être une autre au calvaire. Sans que la tradition y ait retenu l’existence d’une pierre levée, le Ré des Ecoliers présente en son sommet un curieux opidum de petites dimensions, entouré d’un fossé. Au voisinage, on aurait trouvé des pierres à bassin supposées avoir servi aux sacrifices. L’imagination a voulu voir en ce lieu une école de druides. Différents noms de lieux ont une origine celtique, ainsi que des noms communs : ainsi “anieu“ ou “agneu“, qui s’utilisait encore vers 1920 à la place de “aujourd’hui“. Nieu ou gneu désigne la nuit en patois d’ici. Or les Celtes et les Gaulois faisaient débuter la journée au début de la nuit et non à minuit. Barbenan (le nom de la rivière qui traverse le bourg d’Arfeuilles) aurait aussi une origine celtique (nant = ruisseau et barb provenant du non de dieu Borvo, le dieu serpent, le dieu des eaux bouillonnantes).

De l’occupation romaine, il n’y a pas de trace tangible. Y eut-il une garnison d’occupation locale? Ou bien les troupes romaines surveillaient-elles de loin, depuis la plaine? La trace la plus évidente de leur présence est peut-être cette “grosse pierre“ qui se trouve à la croisée des chemins qui mènent d’une part de la Croix Brière à Châtelus et d’autre part du village les Faures au village Raby. Cette pierre serait le socle d’une borne romaine dont la colonne supérieure aurait disparu.

La tradition dit que le “Chemin des Chapelles“, utilisé par les randonneurs pour aller de la gendarmerie au calvaire serait un ancien sentier gallo-romain conduisant d’Arfeuilles à la Pacaudière. Il passe à proximité de chapelles gallo-romaines situées dans un creux de terrain, à gauche du Calvaire, quand on regarde ce dernier depuis Arfeuilles. Ces chapelles sont actuellement recouvertes par la terre et invisibles. On aurait également retrouvé des pièces de monnaie datant de cette époque.

Il y a aussi le mystère planant sur la cité d’Ariolica. En effet, ce lieu est mentionné sur un seul document, la Table de Peutinger, carte des voies de l’Empire romain dressées d’après un itinéraire de Théodose le Grand au troisième siècle. Peutinger (1465-1547), antiquaire à Augsbourg, possédait une copie de ce document datant de 1264. Sur cette copie figure le nom d’une station militaire, Ariolica, située entre Rodumna (Roanne) et Vorogio (Varennes sur Allier) à des distances correspondant à peu près à la position d’Arfeuilles. Certains auteurs ont fait l’amalgame Ariolica – Arfeuilles. D’autres s’y opposent. Il semblerait plus probable qu’Ariolica se soit située vers La Pacaudière, car là on a retrouvé les restes d’une cité gallo-romaine, alors qu’à Arfeuilles, des restes de cette sorte son quasi inexistants.

Des noms de lieux tirent leur origine de cette époque : ainsi, la Croix Rouge désignait une auberge ou une hostellerie.

La tradition veut que des métallurgistes fussent installés, au village Les Faures (ou Favre) sur la commune de Chatelus. Ils utilisaient des “Bas fourneaux“. Le minerai provenait du lieu-dit “Le Rocher de la Mine“. Le carbone nécessaire à la réduction du minerai était fourni par les abondantes forêts. Plus tard, le bois venant à manquer, les forges furent transportées au village Chavroche où il y avait encore d’importantes forêts. Les Gaulois étaient beaucoup moins “bêtes“ que ne le prétendaient nos vieux manuels d’histoire. Ils ont inventé le savon, le char à quatre roues, le tonneau, et ils étaient d’excellents forgerons.

Le temps des légendes

On peut situer la fin de l’époque précédente vers le début du IVème siècle, à l’époque des “grandes invasions“. On pense que le village des “Allemagnes“ pourrait être un souvenir du passage des “Alamans“. Saint Martin de Tours passa dans la région et laissa son nom à Saint Martin d’Estréaux. La tradition dit qu’il fit remplacer la pierre levée de Pétrassin par une chapelle qu’il dédia à Saint Pierre, sur le tombeau duquel il était censé se rendre. On lui attribue aussi à Saint Pierre Laval la sanctification d’une source et d’une pierre située au voisinage de celle-ci. Les deux sont encore visibles en dessous du bourg.

La longue période qui suivit, jusqu’au XIIème siècle, n’a laissé aucune trace, sauf peut-être les souterrains qui méritent que l’on s’attarde un instant sur eux.

Il existe de nombreux souterrains dans la Montagne Bourbonnaise, et dans le Forez. Certains sont mythiques et n’ont jamais existé que dans l’imagination des gens ; ils étaient censés relier un château à un autre, sur des distances de plusieurs kilomètres. Quand on connaît la dureté des roches du sous-sol, et la présence de véritables rivières souterraines, leur réalité semble infiniment peu probable. D’autres partaient d’un château ou d’une place forte, et permettaient, en cas de siège, une éventuelle sortie pour les assiégés, sur l’arrière des assiégeants, afin d’aller chercher du secours. On connaît très peu de souterrains de cette sorte. De la troisième catégorie, il existe de nombreux exemplaires et on en découvre encore de nos jours, au hasard des travaux de terrassement. Ils sont pratiquement tous construits sur le même plan. Un boyau en forme d’anneau est traversé par un autre boyau en ligne droite.

Ce dernier se termine par une sorte de chapelle et une cheminée d’aération bouchée par de grosses pierres. L’autre extrémité, souvent assez longue (une dizaine de mètres) est supposée être l’entrée. Nul ne peut dire à l’heure actuelle pourquoi, ni à quelle date, ils ont été creusés. Certains pensent qu’ils servaient de refuge. Cela semble peu probable, une fois la cachette découverte, il était impossible d’y soutenir un siège. D’autres pensent que c’était un lieu de culte (la forme pourrait le laisser supposer). Quelques débris de poteries découverts dans l’un d’eux, datés par thermoluminescence donnent une origine située entre l’an 375 et l’an 750 de notre ère pour les poteries. Mais cela ne prouve rien quant à la date de creusement. Comme on a trouvé des souterrains de même type en Autriche, on pense que ce pourraient être des peuples de cette région qui seraient venus s’installer dans nos montagnes en apportant leurs coutumes. Les souterrains existent, mais le mystère subsiste.

Au milieu du XIIème siècle, des mineurs de Cluny, déjà établis à Châtel-Montagne, créèrent une sorte d’antenne à Arfeuilles où ils édifièrent une église paroissiale qui tint le coup jusqu’en 1868 et céda la place à l’église actuelle. Le monastère était situé sur l’emplacement des maisons actuelles qui font face au côté gauche de l’église, quand on regarde l’entrée. Dans une charte de 1131, Aymori, évêque de Clermont, reconnaît au prieur de Châtel Montagne le droit de “présenter“ à la cure d’Arfeuilles, c’est-à-dire le droit de prélever une sorte d’impôt.

A cette époque, un certain nombre de lieux devaient être occupés par des châteaux, lieux de résidence d’un seigneur, vassal ou suzerain. Le château avait un double rôle : lieu de résidence du seigneur et refuge pour le peuple en cas d’attaque par les bandits ou par le seigneur voisin. Au milieu du XIIIème siècle, à peu près simultanément apparaissent les traces tangibles de l’existence de ces seigneurs.
– en 1196? Guichard, sire de Châtelus prête foi et hommage au sire de Bourbon pour diverses possessions.
– En 1215, Lapalisse apparaît avec Guillaume de Lapalisse
– En 1256 Guillaume de Montmorillon possède une maison forte dans la montagne.
– En 1250 une charte cite un Hugues d’Arfoglia comme vassal du comte de Forez.
– A cette époque, à Châtel-Montagne, sur un piton, se dresse une puissante forteresse (au bout du chemin qui passe devant le camping actuel)

C’est vers le milieu du XIIIème siècle que l’on situe approximativement une bataille qui se déroula dans le Rez Biron. Elle opposa le Seigneur d’Arfeuilles à celui de Montmorillon, ou celui de Châtel-Montagne, ou les deux alliés (peut être frères ou cousins). Le sire d’Arfeuilles fut vaincu, tué dans la bataille : sa famille fut réduite à l’état de roture et le château démantelé. Le fief d’Arfeuilles (tout petit puisque ses limites étaient visibles depuis la place de l’église), dans le partage des dépouilles, fut attribué au sieur de Châtel-Montagne.

Les XIIème et XIVème siècles furent une période de luttes incessantes entre les Ducs de Bourbon et les Comtes de Forez pour établir une frontière entre le Bourbonnais et le Forez. Pendant longtemps (jusqu’en 1323 au moins) le Barbenan servit de limite lors de sa traversée du fief d’Arfeuilles.